Image de Banniere

AIN APICULTURE VIE DU RUCHER

Les abeilles d'hiver

Derniére mise à jour le : 02/08/2024

          Les abeilles d’hiver se distinguent des abeilles d’été par un système digestif différent leur permettant un très long enfermement, par un corps gras abondant nécessaire à leur survie au cours de l’hiver, par une hémolymphe riche en protéines, par des glandes hyopharyngiennes riches en vitellus et surtout par une durée de vie qui leur permet de vivre de la fin de l’automne au printemps suivant. Ce petit résumé a été inspiré par : LE DEVELOPPEMENT DES COLONIES CHEZ L’ABEILLE MELLIFERE de Anton Imdorf, Kaspar Ruoff, Peter Fluri. Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP CH-3003 Berne.

Un peu de science…

          Leur formation dans une colonie est un processus complexe. Les premières naissances des abeilles d’hiver dépendent de différents facteurs tels que des facteurs génétiques, des stimuli internes à la colonie et des signaux provenant de l’environnement et du climat dont la survenue est totalement impossible à prévoir. Selon Merz[1], une partie des abeilles d’hiver éclot déjà en août, mais la majeure partie naît en septembre. Ceci est valable sous nos latitudes et avec des conditions environnementales normales, mais ces dates d’éclosion des abeilles d’hiver changent totalement lorsque la colonie est soumise à des conditions particulières. Ainsi, il a été observé qu’une forte sècheresse aux mois de juin et juillet, donc sans aucune rentrée de provisions et une rupture de la ponte (et donc une absence de Brood Ester Pheromone (BEP), hormone produite par le couvain ouvert), précipite la production des abeilles d’hiver. Les colonies d’abeilles peuvent alors produire des abeilles d’hiver déjà au mois de juillet ou au début du mois août. Ces naissances précoces peuvent évidemment poser de gros problèmes pour la survie de la colonie, la durée de vie de ces abeilles d’hiver ne permettant pas toujours de réaliser une bonne transition avec les abeilles d’été devant naître au printemps suivant. Une forte mortalité de ces abeilles nées précocement est en général constatée aux mois de décembre et janvier. Chez l’abeille, comme chez la plupart des insectes, c’est le taux d’hormone juvénile dans l’hémolymphe de l’insecte qui détermine la durée de vie : un taux élevé induit une durée de vie courte, un taux bas induit une longue durée de vie.

 

          Chez l’abeille, l’hormone juvénile influence non seulement la longévité et la physiologie de l’abeille, mais aussi des éléments relatifs à la répartition sociale des tâches. L’hormone juvénile est sécrétée par le corps allate (glande céphalique) dans l’hémolymphe de l’abeille où elle subit une dégradation (ou métabolisation) insignifiante chez l’abeille d’été et très importante chez l’abeille d’hiver. A la fin de l’été ou au début de l’automne, lorsque des stimuli spécifiques provenant de la nature sont perçus par le système nerveux central des abeilles qui viennent d’éclore, des réactions déterminées génétiquement amènent certaines cellules neuro-sécrétrices du cerveau à produire des neurohormones qui métabolisent fortement l’hormone juvénile. C’est cette teneur sanguine en hormone juvénile après métabolisation, qui détermine si une ouvrière adopte l’état physiologique et le comportement d’une abeille d’été ou d’hiver. Et contrairement à l’abeille d’hiver, dont la teneur sanguine en hormone juvénile restera basse durant les mois d’hiver jusqu’à l’élevage du printemps suivant, celle de l’abeille d’été augmentera très vite avec l’âge, jusqu’à atteindre un maximum lorsqu’elle sera butineuse en fin de vie. La jeune abeille d’hiver qui vient de naître avec une faible teneur en hormone juvénile, développera alors naturellement un corps adipeux surdéveloppé, une hémolymphe et des glandes hyopharyngiennes avec de fortes proportions en phosphoprotéines et très riches en vitellogenine. Cette vitellogenine est une lipoprotéine à l’origine du vitellus dans lequel sont fabriqués les anticorps et qui a la propriété de réduire le stress oxydatif en piégeant les radicaux libres, prolongeant de ce fait la durée de vie des abeilles ouvrières. Tout cela confère à cette abeille d’hiver des qualités particulières et une exceptionnelle durée de vie. Cette durée de vie peut toutefois être réduite si la colonie n’est pas en mesure d’élever ses abeilles d’hiver dans des conditions optimales. Pour que les jeunes abeilles d’hiver puissent vivre aussi longtemps que leur patrimoine génétique le permet, celles-ci ont besoin de suffisamment de pollen de bonne qualité au cours des premiers jours de leur vie pour développer leur corps gras, accroître la concentration de protéines de l’hémolymphe et atteindre une forte concentration de vitellogenine dans les glandes hyopharyngiennes. Plus tard encore, la durée de vie des abeilles d’hiver peut être significativement raccourcie par l’obligation de soins au couvain et par la transformation des sucres de nourrissement.

          Enfin, la durée de vie peut être influencée négativement par des agents pathogènes. Il a été observé en effet, que dans des colonies très infestées de varroas, ou dans des colonies souffrant de nosémose, des abeilles nées avec la physiologie d’abeilles d’hiver se transformaient en abeilles d’été sans doute parce qu’en raison de leur maladie, les jours leur étaient comptés. Si, sous certaines conditions particulières, des abeilles nées avec une physiologie d’abeilles d’hiver peuvent retourner vers un phénotype d’abeilles d’été, l’inverse n’est bien sûr pas possible.

 

          Entre la fin de l’été et le début de l’automne, au travers de la régulation hormonale, des conditions climatiques, des paramètres environnementaux et sous l’action d’effets encore inexplorés (génétique, phéromones, rythme circadien, influence lunaire, durée du jour...), des signaux parviennent au cerveau des abeilles qui éclosent et les transforment en abeilles d’hiver à longue vie. En l’absence de varroa et d’agents pathogènes, les nombreuses abeilles d’été encore présentes dans les colonies, engendrent alors naturellement des colonies d’au moins 10 à 20 000 abeilles d’hiver ayant une espérance de vie de 160 à 200 jours. L’apiculteur sachant que dans des conditions normales, les abeilles d’hiver naissent surtout fin août et tout le mois de septembre, a le pouvoir de relever la dynamique de la population d’abeilles d’hiver d’une colonie par diverses mesures telles que le nourrissement stimulant ou le nourrissement au pollen... Une grosse colonie bien populeuse débarrassée de la majorité des varroas à la mise en hivernage, est un bon indicateur d’une colonie en bonne santé qui a toutes les chances de passer l’hiver sans encombre. Le rôle de l’apiculteur est donc crucial entre le 30 juillet et le 30 septembre, car c’est à cette période que se décidera l’avenir des colonies pour la saison suivante !

Pour résumer…
              

[1]. Merz, R. ; Gerig, L. ; Wille, H. ; Leuthold, R. (1979) Das Problem der Kurz- und

Langlebigkeit bei der Ein- und Aus- winterung im Bienenvolk (Apis mellifica L.) :

eine Verhaltensstudie, Rev. Suisse Zool. 86 (3): 663-671


Olivier Hartnagel,
vétérinaire du PSE

 







FRGDS Auvergne Rhône-Alpes

Adresse postale : 23 rue Jean Baldassini - 69364 Lyon Cedex 07

Tel: - Mail : frgds.aura@reseaugds.com